Crítica:
Gacier et laque, tuyaux et câbles, briques et néons, aluminium et verre. Énumérer les matériaux constituant l'oeuvre de l'artiste portugais Pedro Cabrita Reis revient à poser le terme d'oxymoron pour caractéristique de son travail. Soit le jeu d'une opposition qui ne se crée pas plus dans la séparation qu'elle ne l'induit, mais qui s'opère dans le rapprochement de notions contradictoires et se renforce par le choc de leur rencontre.
À l'édification d'un monde insensible que les moyens suggèrent, répond ainsi la déconstruction mélancolique du monde qu'ils réalisent. De même qu'à la clôture sur l'objet spécifique répondrait l'ouverture du sujet antinomique. Convoquant le répertoire formel de l'art minimal, les matériaux élaborent ici une tout autre pensée de la relation percept/concept. Celle qui réinscrit comme dialectique la dimension de l'affect, unissant avec égard ce qui fut brutalement tranché dans le rejet de cette dernière au profit du premier et double terme.
Dans la délicatesse des ruines, c'est donc par la forme littéraire de l'oxymoron qu'apparaît cette ouvre composée d'installations proches de l'architecture. Car dans la délicatesse des ruines, elle invite bel et bien le spectateur, regard et corps pénétrant le champ de sa matérialité. Ou visiteur appelé vers elle au sens baudelairien du flâneur--le flâneur, c'est celui qui <<>>, écrivait Benjamin dans sa lecture du poète (1). Et dans le silence absolu que produit l'oeuvre matérielle s'il en est de Cabrita Reis, ainsi traversons-nous le vide qu'elle bâtit par la brique et l'acier, flâneurs du temps suspendu face à la verticalité d'architectures dont les seuils restent indéterminés. Regards et corps rendus flâneurs face au temps de la lumière qui se présente, de même, avec l'horizontalité de fondations pour toute architecture. Laissée sans titre à l'égal du monde en devenir qu'elle présente sous l'espèce du monde en chantier qu'elle transfigure, l'exposition est conçue selon un plan d'orthogonalité qui assemble en édifice invisible les diverses installations la composant. Tandis qu'au rezde-chaussée, l'ensemble réunit des pièces distinctes dont chacune, sculpturale ou picturale, reprend ou renvoie à la verticalité du corps, c'est à l'horizontalité du sol qu'amène ou plutôt ramène l'étage supérieur de la galerie, dont les quelques soixante-dix mètres carrés sont investis par l'unique installation qui l'occupe in situ.
Constituée de briques posées à même le sol et dont les bords font supports pour des néons allumés, ce qu'elle détermine, À propos des lieux d'origine--car tel est son titre--est à la fois l'espace du dédale, lieu de la perte et de la fin ou temps obscurs de l'égarement qu'elle dessine en filigrane. Et celui de la fondation, lieu de la force qui crée pour la durée comme de l'appui d'oø re-créer; et d'une sortie vers la lumière qu'elle consolide, pourrait-on dire, avec le fil d'Ariane courant sous les pieds du visiteur dont il suspend chacun des pas. Baudelairien flâneur qui franchit comme autant de seuils l'enchevêtrement de câbles électriques parcourant l'oeuvre au sol, à l'égal du réseau veineux irriguant le corps. (...)
L'Art Minimal de Pedro Cabrita Reis
Isabelle Hersant, Art Magazine Etc Montréal
Gacier et laque, tuyaux et câbles, briques et néons, aluminium et verre. Énumérer les matériaux constituant l'oeuvre de l'artiste portugais Pedro Cabrita Reis revient à poser le terme d'oxymoron pour caractéristique de son travail. Soit le jeu d'une opposition qui ne se crée pas plus dans la séparation qu'elle ne l'induit, mais qui s'opère dans le rapprochement de notions contradictoires et se renforce par le choc de leur rencontre.
À l'édification d'un monde insensible que les moyens suggèrent, répond ainsi la déconstruction mélancolique du monde qu'ils réalisent. De même qu'à la clôture sur l'objet spécifique répondrait l'ouverture du sujet antinomique. Convoquant le répertoire formel de l'art minimal, les matériaux élaborent ici une tout autre pensée de la relation percept/concept. Celle qui réinscrit comme dialectique la dimension de l'affect, unissant avec égard ce qui fut brutalement tranché dans le rejet de cette dernière au profit du premier et double terme.
Dans la délicatesse des ruines, c'est donc par la forme littéraire de l'oxymoron qu'apparaît cette ouvre composée d'installations proches de l'architecture. Car dans la délicatesse des ruines, elle invite bel et bien le spectateur, regard et corps pénétrant le champ de sa matérialité. Ou visiteur appelé vers elle au sens baudelairien du flâneur--le flâneur, c'est celui qui <<>>, écrivait Benjamin dans sa lecture du poète (1). Et dans le silence absolu que produit l'oeuvre matérielle s'il en est de Cabrita Reis, ainsi traversons-nous le vide qu'elle bâtit par la brique et l'acier, flâneurs du temps suspendu face à la verticalité d'architectures dont les seuils restent indéterminés. Regards et corps rendus flâneurs face au temps de la lumière qui se présente, de même, avec l'horizontalité de fondations pour toute architecture. Laissée sans titre à l'égal du monde en devenir qu'elle présente sous l'espèce du monde en chantier qu'elle transfigure, l'exposition est conçue selon un plan d'orthogonalité qui assemble en édifice invisible les diverses installations la composant. Tandis qu'au rezde-chaussée, l'ensemble réunit des pièces distinctes dont chacune, sculpturale ou picturale, reprend ou renvoie à la verticalité du corps, c'est à l'horizontalité du sol qu'amène ou plutôt ramène l'étage supérieur de la galerie, dont les quelques soixante-dix mètres carrés sont investis par l'unique installation qui l'occupe in situ.
Constituée de briques posées à même le sol et dont les bords font supports pour des néons allumés, ce qu'elle détermine, À propos des lieux d'origine--car tel est son titre--est à la fois l'espace du dédale, lieu de la perte et de la fin ou temps obscurs de l'égarement qu'elle dessine en filigrane. Et celui de la fondation, lieu de la force qui crée pour la durée comme de l'appui d'oø re-créer; et d'une sortie vers la lumière qu'elle consolide, pourrait-on dire, avec le fil d'Ariane courant sous les pieds du visiteur dont il suspend chacun des pas. Baudelairien flâneur qui franchit comme autant de seuils l'enchevêtrement de câbles électriques parcourant l'oeuvre au sol, à l'égal du réseau veineux irriguant le corps. (...)
L'Art Minimal de Pedro Cabrita Reis
Isabelle Hersant, Art Magazine Etc Montréal